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Saint Jacques de COMPOSTELLE

Mon chemin vers Saint Jacques de Compostelle
            Allongé sur le lit, je regarde la machine à laquelle je suis relié par un cordon. Dehors, le soleil est en train de se coucher, une chaude et belle journée d'été se termine. La lumière du jour envahit encore la chambre malgré les volets mi-clos. Il fait chaud, presque lourd.
            Cette machine qui ronronne à côté de moi, m'aide à continuer de vivre. Elle remplace mes reins qui ne veulent plus rien savoir. Je lis avec lassitude les mentions qui s'affichent sur son écran, tout se déroule normalement, elle fait son « job » ; mécaniquement je vérifie la position du tuyau qui nous relie. Pas de cassure, pas de pli, pas de doute, elle et moi, nous ne formons qu'un. Elle sera « mes reins » pour cette nuit encore.
            Les poches de dialysat sont bien en place également. Je peux m'endormir tranquille, mais le sommeil tarde à venir. La chaleur peut-être, la monotonie plus sûrement. La maladie me fatigue mentalement chaque jour un peu plus, mais le découragement ne vaincra pas. Non, je ne me laisserai pas abattre.
            Alors, comme d'habitude, mon esprit s’évade. Il fuit cette chambre, n'entend plus mon « rein artificiel », ne voit plus ma dialyse péritonéale.
            Des chemins sinueux s'enfoncent dans la forêt devant moi, les feuilles des chênes font de l'ombre au sol et il fait bon marcher. Soudain un pare-feu apparaît, éclairée par un soleil éblouissant la terre sablonneuse me fait cligner des yeux. Je regarde les pins majestueux de ces « landes de Gascogne » que j'aime tant, les fougères, la bruyère, j'aimerais tant voir passer un animal sauvage.
            Mais bientôt des collines verdoyantes succèdent à la forêt. Devant mes yeux, les vagues de la mer viennent s’écraser sur les noirs rochers qui forment la côte sauvage du Pays Basque espagnol. Je nous revois tous les deux, toi ma chère femme et moi, en train de repérer les « coquilles » qui guidaient nos pas sur les sentiers de Santiago. Nous faisions un tronçon de ce chemin, comme nous en avons fait beaucoup d'autres, là et ailleurs. C'était un jeu, un plaisir, le bonheur.
             Alors oui, si j'ai la chance un jour d'être greffé, que cela se passe bien, que je retrouve l'intégralité de mes capacités physiques d'avant, sans complications, alors oui je le ferai jusqu'au bout ce chemin de Saint Jacques de Compostelle. Je partirai de notre maison et si je le peux, si j'y arrive, j'irai jusqu'à la plaza del Obradoiro. Et là, j'entrerai dans la cathédrale, ému, heureux et je me recueillerai à la mémoire de celui  ou de celle à qui je devrai d'avoir pu réaliser cela.   
             Une pluie fine et froide frappe mon visage. Le vent s'engouffre avec force dans mon poncho et doit me donner des airs étranges, comme si j'étais un être « venu d'ailleurs ». Mes chaussures et mon bourdon s'enfoncent dans la boue du chemin étroit, encaissé et le plus souvent en pente dans ces contrées vallonnées . Celle-ci gicle sur les guêtres qui protègent le bas de mon pantalon. En m'appuyant sur mon bâton, je saute les flaques d'eau qui font barrage à ma progression lorsque la topographie des lieux ne me permet pas de les contourner. Ces conditions climatiques, pas très favorables, m'ont accompagné le plus souvent tout au long du Camino del Norte, ce chemin qui longe la côte espagnole et que j'ai emprunté d'Irun à Villavisciosa, à proximité de Gijon . Le nord-ouest de l'Espagne n'est pas vert par hasard.
            Mais le soleil aussi a su se montrer à son tour, malheureusement surtout le matin et disparaissant trop tôt à mon goût derrière de gros nuages noirs. Il donnait alors à la côte une luminosité éclatante, faite de mille reflets et c'était une explosion de couleurs allant du vert le plus tendre, au bleu marine le plus profond. Les prairies reprenaient vie, et tout comme sur l'océan, des vagues vertes ondoyaient sous l'effet du vent. Les nombreux animaux présents sur ces terres d'élevage projetaient des taches blanches, rousses ou noires, un peu partout dans les prés. Les fermes tranchaient de toutes leurs différences de couleurs entre l'azur du ciel et l'émeraude de la végétation. Les  villages traversés se paraient à leur tour de façades fièrement bariolées et des badauds discutaient bruyamment sur les trottoirs, tandis que des enfants jouaient gaiement au ballon, sur la place, au milieu des tables et des chaises des cafés. Au loin devant moi ou sur le côté sud, les montagnes formaient un barrage sombre dont les crêtes blanches me faisaient me poser des questions. Allais-je y trouver de la neige lorsque je les traverserai sur le Camino Primitivo, d'autant que certaines rencontres avec des jacquets qui en revenaient, pouvaient me le laisser craindre ? En définitive, celle-ci bien qu'encore présente au moment de mon passage, se situait plus haut que le chemin par lequel je suis passé, ou bien sur des sommets voisins que j'avais tout le loisir d'admirer en gravissant les différents cols. Ainsi j'ai pu suivre le Camino Primitivo d'Oviedo à Santiago, sans risque.
             Partis en couple, comme prévu, nous avons refermé le portail de notre maison derrière nous le 4 mars, puis nous avons pris la direction de l'Entre deux Mers, pour ce qui a été notre première étape, déjà sous des trombes d'eau !  Aux confins des landes et de la gironde, nous nous sommes dits « au revoir » puisqu'il fallait que tu reviennes chez nous. Alors j'ai continué le chemin tout seul, déterminé, contemplant la nature qui m'entourait, tout en sachant que quelque part en Espagne, pour Pâques, tu reviendrais marcher quelques jours avec moi.
            Ce fut à partir de Castro Urdiales, jolie station balnéaire de la Cantabrie, que nous avons repris « notre camino » le temps d'un week-end Pascal. Notre fils s'était joint à nous et comme par enchantement, un soleil chaud et généreux nous a accompagné, rendant ces jours encore plus agréables. Le 23 avril, après une traversée de la Cordillère Asturienne devenue délicate par de mauvaises conditions météorologiques, j'entrai dans Santiago de Compostella.
             Je ressentis alors une très grande joie mais aussi une délivrance. J'avais atteint mon but. J'avais vécu une aventure hors du temps, sans les contraintes qui marquent notre vie de tous les jours, loin, très loin de la maladie et des pensées qu'elle génère. J'avais marché alliant méditation et contemplation, dans un havre de paix et je me sentais rasséréné.  La vieille ville bruissait des rumeurs des centaines de touristes et de pèlerins qui l'occupaient, exhibait orgueilleusement son énorme cathédrale ainsi que d' autres palais, m'offrait le terme de cinquante deux jours passés à respecter le vœu fait plusieurs années avant ma greffe. Je poussai la porte du lieu Saint et entrai me recueillir à la mémoire de celui qui m'avait permis d'être là.   
             Tout au long du chemin, on raconte des légendes  sur le pèlerinage, des anecdotes, mais aussi de simples histoires vraies. Souvent, ce sont les pèlerins qui échangent entre eux ces confidences, au cours du dîner ou autour d'un verre. Il arrive parfois que ce soit des accueillants qui les narrent.
            Celle qui m'a le plus touché, que j'ai trouvée la plus symbolique de l'état d'esprit du chemin, c'est l'histoire de Jacques. Elle me fut livrée par mon hôtesse lors d'une collation de bienvenue, autour d'un chocolat chaud accompagné de quelques madeleines.
            Jacques, habitant de la petite commune landaise du Moustey, se rendit une première fois  à St Jacques de Compostelle en 1995, en partant à pied depuis chez lui. Quelques années plus tard, se sachant atteint d'un cancer, il a tenu malgré tout à y retourner une nouvelle fois, une dernière fois. De nouveau il a « pris le chemin » depuis son domicile. Il trouva les forces physiques et mentales suffisantes pour réussir à atteindre « le champ de l’étoile », là-bas en Galice. Puis il revint chez lui. Il décéda de sa maladie quelques temps après.
            Entre ses deux pèlerinages, il avait fait édifier devant la vieille  église de son village, une  borne sur laquelle on peut lire «  Moustey – Santiago de Compostella 1.000 kms ». Le maire de l'époque y fit élever juste à côté, la statue d'un jacquet habillé de la pèlerine traditionnelle du moyen âge, coiffé d'un chapeau à bord large et tenant à la main le bourdon de cette époque, orné d'une coquille. On peut toujours les admirer devant la vieille église du village.
            En 2005, Renée, l'épouse de Jacques, offrit la collection de livres jacquaires de son mari, ainsi qu'un tampon à la coquille, aux propriétaires de la chambre d'hôtes qui m'ont accueilli lors de mon passage, en leur demandant de recevoir chaleureusement les pèlerins qui s'y arrêteraient. Ils déclarent que depuis ils se sentent investis d'une mission. Je peux témoigner qu'ils la remplissent et respectent la mémoire de Jacques et de Renée. J'ai compris ce jour là, ce qu'est le Chemin.
             Quand on le fait pour la première fois, qui plus est en étant seul comme ce fût mon cas, on découvre « l'esprit chemin » et on peut être surpris par certaines situations, par certains comportements. Notamment la considération que les habitants des contrées traversées ont envers le pèlerin. Principalement en Espagne mais également un peu en France sur la voie de Tours, j'ai rencontré beaucoup de témoignages de sympathie, de regards bienveillants de la part des autochtones que je croisais.
            Dans leur grande majorité, les gens dans la rue, en ville comme à la campagne, saluent le cheminot qui passe, lui sourit et très souvent lui lance un jovial « buen camino ! ». Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai dû m'arrêter pour expliquer au passant qui avait stoppé à ma hauteur, parfois même des cyclistes et une fois un automobiliste avec ses enfants à bord, que mon objectif était bien d'aller jusqu'à Santiago, d'où j'étais parti, quand, voire qu'elle était ma nationalité. Quelques-uns m'ont invité à entrer chez eux pour boire un café, d'autres apposent une pancarte sur le mur de leur propriété invitant à se servir de l'eau au robinet situé dans la cour, ou alors disposent des bouteilles pleines le long du chemin. De nombreuses inscriptions placées par ci par là, souhaitent un bon chemin et bon courage aux jacquets qui cheminent.
             Alors il est exact qu'on rencontre un certain nombre d'anciens pèlerins auxquels on remémore de bons souvenirs et qui ont envie de parler avec l'homme au sac à dos auquel ils s'identifient. Mais il y a aussi en Espagne, au moins dans ces régions du nord-ouest où passent de multiples caminos, une image positive très forte, traditionnelle, réactivée depuis la fin du vingtième siècle, du jacquet, pèlerin des temps modernes, à la recherche de spiritualité pour les uns, dans une démarche profondément religieuse pour d'autres, ou tout simplement s'autorisant une pause dans leur vie quotidienne et un temps de retour sur soi.
             Parti après avoir fait un vœu, parti dans une démarche de reconnaissance et de réflexion, j'ai aussi pu mesurer tous les bienfaits tant sur le plan physique que mental, d'une telle entreprise. Il est indéniable que l'Homme est fait pour marcher. Certains passages sont durs, les muscles deviennent sensibles, voire douloureux, surtout en tout début ou en toute fin d’étape. Mais en dehors de ces situations là, un bien être envahit le corps et l'esprit, c'est un pur bonheur alors que de se retrouver au milieu de la nature et de faire corps avec elle. On se sent bien physiquement, et là on réalise pourquoi il est si important de maintenir un certain niveau d'activités physiques, bien évidemment  adapté à chacun et à la forme de l'instant.
            Il en est de même sur le plan mental où là aussi, il y a des périodes plus difficiles dues à la fatigue, au mauvais temps, à une mauvaise nuit... Mais on se rattache très vite à la chance que l'on a d'être sur le chemin. C'est une parenthèse dans la vie, c'est un retour à une certaine insouciance, c'est l'opportunité de se centrer sur les valeurs essentielles de la vie. On laisse son esprit vagabonder de pensées subites, en analyses plus profondes, plus construites. On admire la nature puis on marche l'esprit vide, guidé par le simple fait de marcher, d'aller et de regarder autour de soi. On croise d'autres jacquets, on discute quelques minutes, on échange des sensations, on partage un bien être, un instant privilégié. Voilà sans doute pourquoi, tant de pèlerins de retour chez eux n'attendent que le moment de rechausser les crampons et de retrouver cet état de « marcheur bienheureux ». Je sais que c'est mon cas, d'autant plus que nous sommes deux à la maison à n'attendre que ça. 
Patrick - Mars - Avril 2016
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